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Histoire de Novembre: la dernière pièce.

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Histoire de Novembre: la dernière pièce. Empty Histoire de Novembre: la dernière pièce.

Message par froggyfr99 Jeu 3 Nov 2011 - 11:12

LA DERNIERE PIECE



La foule des visiteurs est compacte en ce premier samedi de juin. Le soleil est de la partie et il faut bien reconnaître qu’on se bouscule et qu’on se marche un peu sur les pieds devant les stands de pièces détachées.

Nous sommes sur le circuit de Dijon Prenois lors des fameuses « Coupes Moto Légende », le rendez-vous incontournable des amoureux de vieilles motos en tous genres. Il est impensable qu’un passionné de deux roues à moteur rate ce rassemblement surtout s’il est lui-même collectionneur. Parallèlement aux démonstrations de « vieilles gloires » sur la piste, se tient aussi un gigantesque marché de la pièce d’occasion. Comment ne pas trouver dans ce capharnaüm organisé le phare qui terminera d’habiller une Terrot de 1935, le pot d’échappement qui manque à la vieille Mobylette de grand-papa ou tout simplement la revue technique de la première Honda importée dans notre beau pays ?

Les Coupes (comme disent les connaisseurs) ayant pris ces dernières années une dimension internationale, il n’est pas rare d’entendre un acheteur italien marchander le prix d’une pièce dans un français approximatif ou un vendeur anglais vanter les mérites de ses béquilles d’atelier « home made » avec un flegme et un accent tout britannique.

Des milliers de pièces, des dizaines de vendeurs : comment ne pas trouver son bonheur quelque part au fond d’un cageot ou sous une table de camping ? Et pourtant il y a une personne qui cherche et qui, contrairement à la parole divine, ne trouve pas. Il y a un homme qui s’arrête devant chaque stand, qui pose inlassablement la même question et qui reçoit invariablement la même réponse : non, désolé !

Le plus désolé de tous c’est lui : Karl Heinz. Un type grand, blond (forcément !), les yeux bleus, une carrure d’athlète et comme son nom ne l’indique pas, il est français. Soyons précis : il est alsacien et son prénom est le souvenir qu’a laissé à sa grand-mère un soldat allemand pendant la dernière guerre. Le soldat n’était pas méchant, il n’avait rien demandé à personne et c’est contraint et forcé qu’il avait atterri en uniforme vert-de-gris dans le petit village de la grand-mère. La grand-mère, elle, n’était pas farouche, ne craignait pas le « qu’en dira-t-on » et avait de la famille en Germanie. Tout ceci fît que la maman de Karl Heinz était née peu après la fin de la guerre. Le soldat était reparti, juste le temps d’enterrer le régime du troisième Reich et son uniforme dans un champs de patates. Quand les relents de la guerre et de l’épuration se furent calmés, il était revenu, avait épousé la future grand-mère de Karl Heinz et avait fini ses jours dans sa ferme du sud de l’Alsace. Le grand-père avait trouvé son bonheur mais Karl Heinz, lui, le cherchait encore et toujours.

Après quoi courre K H comme l’appellent ses amis ? Il voudrait trouver de quoi terminer la restauration de sa vieille moto ; il lui manque un garde-boue. Oui, un vulgaire garde-boue arrière de moto ! Et pourtant, malgré des heures passées à chiner dans toutes les bourses de pièces détachées, malgré tous les meetings de motos anciennes auxquels il s’était rendu, il ne trouve toujours pas la dernière pièce qui lui manque. Il a cherché partout sur Internet, partout, sur tous les sites de la planète : Nada ! Nichts ! Rien ! Pas de garde-boue arrière.



Le dimanche après-midi arrive et les exposants remballent leurs affaires. K H n’a pas trouvé ce qu’il cherchait. Dépité, il monte sur une des buttes qui entourent le circuit, s’assied dans l’herbe jaunie, piétinée par des milliers de pieds depuis quarante-huit heures et regarde les dernières séries de motos anciennes faire leur démonstration. Une fois de plus il repartira les mains vides, dans son Alsace natale. Demain une autre semaine de travail commencera.

Malgré son obsession et sa passion des motos, K H a un autre passe-temps : la plongée sous-marine. Si loin de la mer, il plonge, tous les week-ends. Chaque trou d’eau, étang, gravière ou lac alsacien a vu un jour ou l’autre passer sa grande carcasse. Depuis quelques mois il a trouvé son bonheur de l’autre côté du Rhin, dans les gravières allemandes. Le seul fait de savoir que dans sept jours il retournera plonger là-bas lui rend le sourire. Lentement il oublie sa déception de ne pas avoir mis la main sur ce qu’il cherchait ici en pensant à ce qu’il a découvert là-bas : un magnifique plan d’eau, large, profond, bordé d’arbres et plein de vie sous-marine.

Cette gravière doit avoir à peu de chose près la même surface que le circuit de Prenois. Même ses contours rappellent un peu le tracé de la piste dijonnaise ! Mais les spectateurs qui la fréquentent ne sont pas vraiment les mêmes. Les baigneurs qui y font trempette à la belle saison font partie des amoureux du silence, de la nature … et du naturisme !

Plusieurs fois déjà, il a croisé des nymphettes dans le plus simple appareil alors qu’il se rendait sur la berge, harnaché et équipé comme un sous-marin nucléaire, soufflant sous la charge de sa bouteille de quinze kilos. Et encore, s’il n’y avait que la bouteille ! Mais il ne faut pas oublier les deux détendeurs, le phare de plongée et la boussole étanche. Tout cela lui donne l’air d’un gros insecte malhabile, menaçant de trébucher à chaque pas et de ne plus pouvoir se relever.



Heureusement, la fin de la semaine finie par arriver. Après avoir entassé tout son équipement sous-marin dans le coffre de sa vieille voiture, K H fonce en direction du Rhin et de la Germanie. Au bout de trois quarts d’heure, le voici enfin arrivé à la belle gravière qu’il surnomme le circuit, en rapport à sa forme si particulière. Mais K H est aussi motard et comme tout motard, il a ses petites manies et ses méchantes habitudes : il accroche toujours son casque au rétroviseur droit de sa moto pendant qu’il s’équipe, il ne démarre jamais son véhicule sans tirer la poignée d’embrayage, même au point mort, etc.…

Karl Heinz, le plongeur, en a d’autres : avant de commencer à s’équiper, il se rend toujours au bord de l’eau. Est-ce pour constater qu’elle est toujours là, vérifier sa clarté et se faire une idée de la plongée à venir ou tout simplement pour se rendre compte qu’elle est toujours aussi mouillée ? Même lui ne le sait pas, mais il s’adonne toujours au même rituel chaque fois qu’il s’apprête à plonger.

Mais parmi ses mauvaises habitudes, il a celle de plonger seul. Il ignore superbement depuis de nombreuses années la règle d’or de la plongée : ne jamais descendre seul. En cas de problème, de panne de matériel ou de syncope, il n’y aura personne pour le remonter à la surface, vers les vivants. Et quand quelqu’un a le toupet de lui faire remarquer son inconscience, sa réponse est toujours la même : mieux vaut plonger seul que mal accompagné ! La discussion s’arrête souvent après cela.

Donc, ce fameux samedi, il s’équipe pour sa plongée hebdomadaire. Aujourd’hui, il a bien l’intention d’explorer cette gravière en profondeur. Il paraît que c’est un sacré « trou » mais il n’a encore jamais atteint les cinquante mètres ici. Ça n’a pas l’air très impressionnant cinquante mètres à l’horizontale, mais à la verticale ça change tout ! On y atteint les limites physiques de la plongée à l’air. L’ivresse des profondeurs vous guette et la pression subie y est six fois plus importante qu’en surface !

Lui ça l’excite d’aller voir là-dessous. L’attrait du danger ? Il ne sait pas. Ça lui fait la même chose quand il démarre sa grosse moto et qu’il entend rugir le moteur. Il aime à savoir que les deux cent kilomètres par heure sont au bout de sa poignée, au creux de sa main.

Il entre dans l’eau froide et s’éloigne du bord sous l’œil interloqué des nymphettes en tenue d’Eve. La surface n’existe déjà plus pour lui. Il prend son cap à la boussole : plein nord. Il se laisse couler, emporté vers le fond par le poids de son équipement. Le silence se fait brutalement, uniquement troublé par le bruit des bulles qui s’échappent de son détendeur. Il sent la pression lui torturer les tympans à mesure qu’elle augmente. Il se pince le nez avant que la douleur ne devienne plus intense. Les mètres défilent sur l’écran de son ordinateur de plongée. Cinq mètres, puis dix, douze, quinze. La lumière du soleil se dilue lentement pour finir par disparaître totalement. A vingt mètres il allume son phare de plongée, unique source de lumière dans un monde noir et froid. Karl Heinz poursuit sa descente. A cette profondeur il n’y a plus le moindre signe de vie, plus le moindre poisson ni la plus petite algue. Sans lumière et sans soleil, point de vie. Il dépasse maintenant les trente-cinq mètres et tout ce qu’il voit dans le cercle de lumière de son phare, c’est la vase blanche et uniforme du fond. Quarante puis quarante-cinq mètres. Le froid s’infiltre lentement dans sa combinaison de plongée. Un petit coup d’œil à son manomètre pour vérifier sa réserve d’air. Tout est OK. Mais il continue à descendre dans le noir. Bientôt il atteint les cinquante mètres et le fond est à nouveau plat. Encore un coup d’œil à son ordinateur : pas question de rester ici plus de cinq ou six minutes s’il veut avoir assez d’air pour rejoindre la surface.

Au moment où il survole un petit monticule, il vérifie son cap sur sa boussole. Il a tout juste le temps de voir l’aiguille faire un demi-tour brutal avant de revenir à sa position initiale.

Etrange ! Il semblerait qu’il vient de passer à proximité d’un corps métallique. Pour confirmer que ce n’est pas son phare qui a faussé l’indication de la boussole, Karl Heinz la tient à bout de bras. L’aiguille ne dévie plus. L’esprit embrumé par la narcose, il décide de faire demi-tour et de prendre un cap plein sud. Au moment où il repasse sur ce curieux monticule, l’aiguille de sa boussole devient à nouveau folle et change de cap brutalement. On dirait bien que cette grosse bosse sous la vase en est la raison.

Il vérifie une nouvelle fois son ordinateur de plongée : il ne lui reste plus que deux minutes d’autonomie avant d’entamer sa remontée. Tant pis, c’est bien suffisant pour en avoir le cœur net. Il se « pose » à genoux devant ce monticule, laisse pendre son phare au bout de sa dragonne et plonge les deux mains dans la vase pour deviner ce qu’elle cache. Immédiatement il est aveuglé par un nuage de matière en suspension. Il ne voit plus à cinquante centimètres devant lui. Il ne voit même plus les indications de son ordinateur ni les chiffres de son manomètre. Au moment où il se dit qu’il vient de faire une belle connerie et qu’il ferait bien d’abandonner, il sent au travers de ses gants en néoprène un objet dur, une forme arrondie. Il continuerait bien à fouiller à l’aveuglette mais les alarmes commencent à hurler dans sa tête : il est plus que temps de remonter s’il ne veut pas rester ici pour toujours.

La narcose ralentit ses gestes, ses prises de décision. Le temps de récupérer son phare et de se mettre à palmer pour sortir de ce nuage liquide et opaque, il a dépassé le temps qu’il s’était accordé au fond. Son ordinateur lui indique qu’il va devoir effectuer de longues minutes de palier en pleine eau s’il veut éviter l’accident de plongée. Alors, lentement, il rejoint la surface en prenant soin de bien respecter la vitesse de remontée préconisée par tous les manuels de plongée : jamais plus vite que les bulles !

Arrivé à six mètres, il entame sa procédure de décompression. Parfaitement stabilisé, il surveille son ordinateur pour confirmer sa profondeur et ne pas en varier. Encore quelques minutes ici et il pourra rejoindre la zone des trois mètres et terminer la procédure. D’après ses calculs il devra patienter dix bonnes minutes à trois mètres avant de crever la surface. Dix longues minutes à sentir le froid et la fatigue l’envahir lentement. Six cents secondes à attendre sans bouger !

Pendant cette longue attente il repense à ce tertre sous-marin, à cette forme qu’il a sentie au bout de ses doigts. Qu’est ce que cela pourrait bien être ? Un vieux tonneau rouillé ? Une pagaie perdue ? Soudain il frissonne, mais pas de froid. Une idée lugubre vient de lui traverser l’esprit : et s’il s’agissait de munitions, d’un obus datant de la dernière guerre ? Ce ne serait pas la première fois que quelqu’un découvrirait les restes abandonnés d’une armée en fuite ! Plus il y pense, plus sa curiosité est excitée. Tant pis : il faudra qu’il y retourne. Dès qu’il sortira de l’eau, il prendra ses repères sur la berge ! Ainsi, la prochaine fois, il pourra plonger directement sur son objectif et y passer plus de temps.

Depuis qu’il plonge et qu’il roule à moto, il a appris à faire confiance à son sixième sens, cette petite voix qui résonne de temps en temps dans sa tête pour le prévenir d’un danger imminent. Il a appris à sentir ces situations qui dérapent et échappent à son contrôle. Bizarrement ce n’est pas ce sentiment qu’il a ressenti au fond mais bien de la curiosité. Et cette curiosité commence à le dévorer. Il sait qu’il reviendra ici dès que son emploi du temps le lui permettra !

Il jette un dernier regard à son poignet. Sa montre de plongée lui confirme qu’il est temps de faire surface. A peine la tête hors de l’eau, il cherche du regard les deux amers qui lui permettront de retrouver à coup sûr son trésor subaquatique. A sa gauche, la première chose qu’il remarque c’est ce grand chêne qui camoufle une partie de l’entrée du parking de l’autre côté de la route. A sa droite le bon repère est un peu plus difficile à trouver. Mais en levant les yeux, il voit les ruines du vieux manoir accrochées au flanc du coteau. Et la deuxième cheminée en partant de la droite s’aligne parfaitement avec une immense éolienne plantée au sommet des montagnes barrant l’horizon à l’est. Une dernière confirmation d’un côté et de l’autre et K H se dirige vers la berge.

En se déséquipant, il ne ressent même plus la fatigue mais uniquement une immense excitation. Vivement la semaine prochaine ! En s’éloignant, il laisse errer son regard sur la surface tranquille de la gravière, à l’endroit approximatif où se trouve son étrange découverte, hors de portée du commun des mortels, à l’abri.



Une semaine plus tard, K H revient au même endroit, pressé de remettre la main sur ce mystérieux objet. Il se force à prendre le temps de préparer son matériel. Pas question d’oublier le moindre détail. Mais son cœur bat un peu plus vite que d’habitude. La même question le hante depuis des jours : Qu’ais-je bien pu trouver là-dessous ?

Au moment de se mettre à l’eau, il se répète une dernière fois les consignes de sécurité : pas plus de dix minutes au fond, quoi qu’il y découvre. En nageant vers son objectif, il se repasse mentalement le film de ce qu’il aura à faire en arrivant au fond : retrouver le tertre, fouiller à deux mains en sachant parfaitement qu’il va être immédiatement encerclé par un nuage dense de particules en suspension. Ses mains deviendront ses yeux.

Arrivé à cent mètres de la berge, K H aligne ses amers. Le gros chêne sur l’entrée du parking et la deuxième cheminée sur l’éolienne. Il vide ses poumons et se laisse couler comme une pierre. Comme la fois précédente, il allume son phare quand la lumière du soleil se dilue et les ténèbres se referment sur lui.

Arrivé à cinquante mètres, il ne lui faut pas longtemps pour retrouver l’endroit où sa boussole est devenue folle. Il voit parfaitement les traces qu’ont laissées ses premières fouilles dans la vase blanche. Il se pose lentement devant ce mystère enfoui, dans une attitude humble de prière. Mais il ne perd pas de temps avant d’enfoncer ses deux mains dans la vase. Comme prévu, un nuage blanc monte du fond et ne tarde pas à l’aveugler. Sa première idée était de tenter d’agripper cette forme qui se cache et de la tirer de sa gangue blanche. Il parvient bien à agripper quelque chose qui ressemble vaguement à un gros cerceau mais cette chose refuse obstinément de bouger. K H a beau secouer, tirer de toutes ses forces, s’essouffler, rien n’y fait !

Il doit donc se résoudre à dégager son trésor et à soulever encore plus de vase. De toute façon il ne voit déjà plus rien, alors un peu plus ou un peu moins … Mais les dix minutes qu’il s’était accordé sont déjà écoulées. Il est bien tenté pendant une demie seconde de rester encore un peu ici, mais la prudence et son expérience lui disent que ça serait vraiment une sacrée mauvaise idée que de persister. De toute façon, vu la tournure que prennent les évènements, ce n’est pas aujourd’hui qu’il arrivera au bout de ses peines. Il préfère abandonner pour cette fois et laisser aux profondeurs et à la nuit son précieux trésor.

Comme la fois précédente, il entame sa procédure de remontée. Le plus rageant dans tout cela c’est qu’il ne verra le résultat de ses efforts que lors de sa prochaine plongée laissant ainsi à un autre plongeur la chance de profiter de sa découverte. Il sait qu’il ne pourra accepter de s’en voir déposséder. Il reviendra demain, ici même, pour continuer ses fouilles. Tant pis pour le boulot, les collègues et le « qu’en dira-t-on ». Il se fera porter pâle !



Le lendemain en allant au fond, K H a la surprise de voir dans la lumière de son phare un morceau de pneu en parfait état de conservation ! Son cœur fait un bond vers la zone rouge. Ça ne ressemble pas à un pneu de voiture mais plutôt à celui d’une moto. Pas de quoi s’emballer me direz-vous ! Oui, mais dans le pneu il y a une jante et K H se met à espérer qu’au bout de la jante il y ait autre chose. Pas le temps de s’attarder à observer, il faut continuer à creuser. Cette fois-ci il sait ce qu’il doit chercher. Et toujours à l’aveuglette, il poursuit ses travaux

Les jours passent et à chaque fois la surprise du lendemain. A mesure qu’il avance dans ses recherches, K H dort de moins en moins bien, obnubilé qu’il est par sa trouvaille. Au bout de dix jours il doit bien se rendre à l’évidence : il a trouvé une moto. Elle semble en parfait état de conservation et très ancienne. Au moins autant que celle qui dort au fond de son garage en attendant qu’il trouve le fameux garde-boue manquant. Mais il est tout à ses fouilles sous-marines et n’accorde même plus un regard à cette vieille mamie à deux roues.

Au fond de l’eau il a déjà mis tout l’avant de la moto à jour : une roue complète et une fourche à parallélogramme. Ce système désuet de suspension est bien la preuve que cette moto est très ancienne. Après une semaine de travail supplémentaire au fond, K H a l’idée d’emmener avec lui plusieurs bidons de plastique vides. Il a l’intention de les attacher à la moto qui sort peu à peu de sa gangue de vase. Une fois emplis d’air, ils l’aideront à remonter son trésor. De retour à sa voiture, il a la mauvaise surprise de découvrir d’autres plongeurs qui se préparent sur la rive. Son premier réflexe est de s’approcher du groupe pour connaître leurs intentions. S’agirait pas qu’ils aillent se promener au mauvais endroit ! Pas maintenant, alors qu’il a pratiquement fini de dégager cette mystérieuse moto !

Son sang se glace lorsqu’il voit l’équipement high tech des deux autres plongeurs : ils portent des recycleurs dernier cri. Grâce à ce matériel issu des recherches militaires, ils peuvent rester des heures sous l’eau : l’air qu’ils respirent étant recyclé en circuit fermé.

Ça carbure à cent à l’heure dans l’esprit de K H. Il faut absolument qu’il les empêche de palmer au mauvais endroit, mais comment faire ? Les évènements tournent tous seuls à son avantage. La discussion s’engage d’elle-même et tourne immédiatement autour des recycleurs. Les plongeurs sont allemands et ne se font pas prier pour expliquer au « petit » français comment ça fonctionne, quels sont les avantages et les inconvénients du recycleur « Dolphin ». K H tombe immédiatement sous le charme de l’appareil : quel avantage de pouvoir doubler, voire tripler son temps au fond ! Les deux allemands sont instructeurs et rendez-vous est bien vite pris pour faire de Karl Heinz leur prochain élève. Comme les cours pratiques ont lieu en milieu naturel et pas en piscine, il aura tout loisir de les emmener bien loin de son lieu de fouille. En effet K H s’est présenté à ses deux instructeurs, Herman et Ralf, comme un grand connaisseur de cette gravière. Il se fait fort pendant la durée de l’instruction de leur montrer tous les « spots » intéressants du lieu. Herman, un grand costaud, blond aux yeux bleus (bien sûr !) et Ralf, un petit brun sec et nerveux pourront quant à eux assouvir leur passion de la photo sous-marine. K H sait où se cachent les plus beaux brochets et les plus grosses perches de l’endroit. Peu de temps après, l’entraînement pratique commence : Herman et K H descendent pour la première fois ensemble. Comme les instructeurs ne disposent que de deux recycleurs, Ralf se dévoue pour céder le sien à K H et assurer la sécurité en surface.

Les deux plongeurs restent une bonne heure sous la surface à enchaîner les exercices. Pendant tout ce temps, K H évite soigneusement de s’approcher de la moto qui dort quelque part au fond. La plongée se déroule sans aucun problème et notre apprenti ressort enchanté et convaincu de l’eau. Le mariage entre lui et le recycleur se fera dès la fin de son instruction !

Pendant le débriefing et l’analyse de la plongée, Herman souligne le seul défaut, ou plutôt le seul point faible de cet appareil magnifique : il ne faut jamais lâcher l’embout buccal sous peine de noyer tout le système. Si cela devait se produire pour une raison ou une autre, ce serait la mort assurée !



Les plongées se succèdent durant plusieurs semaines. K H apprend à maîtriser le Dolphin et toutes les situations critiques qui pourraient se présenter en plongée. Enfin Herman lui annonce que la plongée à venir sera la dernière. Après, il sera officiellement déclaré « plongeur recycleur » s’il réagit correctement aux sollicitations de son instructeur.

Cette fois-ci pourtant les choses ne se passent pas comme d’habitude. Dès le début de la plongée Herman choisit de ne pas suivre le parcours habituel et se dirige tout droit vers l’épave. K H, bien qu’inquiet, ne panique pas. Il y a quand même peu de chance qu’ils tombent sur la moto au milieu de cette immensité lugubre et sombre. Mais bien sûr les choses ne se passent jamais comme elles le devraient et le binôme fini par découvrir l’épave secrète de K H.

Son cœur s’emballe quand Herman commence à tourner autour des bidons en suspension comme un requin autour de sa proie. Il semble joyeux, euphorique. K H comprend à ses gestes que dès qu’ils seront en surface son secret sera éventé. Tout le monde sera au courant de ce qui se cache au fond de cette gravière. Il sera dépossédé de sa trouvaille, on va lui voler son trésor, son précieux trésor ! Il agit alors sous le coup d’une impulsion meurtrière : il passe subrepticement une des cordes qui retiennent les bidons à la moto autour du recycleur et laisse Herman s’emmêler dans cette toile meurtrière. Plus ce dernier se débat et plus il s’emprisonne dans ce piège sous-marin. Il finit cependant par appliquer la procédure apprise au début de sa formation de plongeur : il arrête de se débattre et reste calme. Malheureusement pour lui, il est trop tard pour qu’il puisse s’en sortir seul. Dans le faisceau du phare de K H il apparaît comme un papillon de nuit prisonnier d’une araignée monstrueuse. D’une main tendue, il lui fait signe de venir l’aider, le supplie de le sortir de ce pétrin. Mais K H ne réagit pas. Il tourne autour de lui, à peine hors de portée. Il observe les yeux d’Herman qui expriment la peur derrière la vitre de son masque. La proie est prise, incapable de se défendre, paniquée. C’est le moment que choisit K H pour fondre sur elle et lui arracher son embout buccal. En quelques secondes tout le système du recycleur est noyé et inutilisable. Quand Herman le rattrape et le remet en bouche il est déjà trop tard ! La peur dans ses yeux se transforme en panique quand il se rend compte que ses poumons sont entrain de se remplir d’eau ! Il est prit de convulsions, essaye une dernière fois de se libérer de ses liens et ne parvient qu’à s’immobiliser un peu plus. K H profite du spectacle, attendant que la mort fasse son œuvre. C’est la première fois qu’il se trouve face à une personne en train de se noyer et ce spectacle déclenche en lui une réaction inattendue : il sent monter en lui une excitation sexuelle. Chaque soubresaut de sa victime fait monter son plaisir. Leurs yeux ne se quittent plus jusqu’au moment où ceux d’Herman se voilent.

Quand il est sûr que son compagnon est mort, il s’attèle à libérer son corps des cordes en faisant bien attention de ne pas se faire piéger à son tour. Alors qu’il ramène lentement le noyé vers la surface, les détails du scénario qu’il va raconter se mettent tout seul en place : ils se sont perdus de vue pendant la plongée. Inquiet, K H a quadrillé toute la zone durant plus de quinze minutes. Quand il a enfin retrouvé Herman, il était déjà trop tard. Il a remonté son corps sans vie vers la surface aussi vite que possible mais il a bien fallu qu’il respecte les paliers de décompression s’il ne voulait pas lui aussi laisser sa peau dans ce drame.

Dès que le cadavre est tiré sur la berge, Ralf et lui essayent de le ranimer en pratiquant les gestes de premier secours. Ralf ne remarque pas dans l’affolement que K H y met bien peu de conviction. Les pompiers arrivent vingt minutes plus tard suivis de la police mais ils ne peuvent que constater la mort du plongeur. Le matériel de la victime est confisqué et K H est convoqué immédiatement pour venir déposer à l’hôtel de police. Il tient très bien son rôle et ne se risque pas à en dire plus que ce qu’il avait déjà raconté à Ralf en sortant de l’eau. Il sait très bien qu’à trop vouloir en faire, beaucoup de criminels ont fini par se faire prendre.



Criminel ! C’est ce qu’il est devenu et étrangement cela ne le bouleverse pas. Il se souvient confusément d’un immense plaisir physique et refoule péniblement une vague envie de recommencer, de retrouver cette sensation étrange ressentie par cinquante mètres de fond.

Quoi qu’il en soit, la moto est toujours là, à l’attendre tranquillement. Mais pour ne pas éveiller les soupçons, il décide de ne pas retourner plonger immédiatement. Il s’oblige même à ne plus se rendre au bord de la gravière pendant un bon mois. Caché chez lui, il rumine, il tourne en rond et ronge son frein, obsédé par son trésor. Il est souvent pris de panique à l’idée que quelqu’un d’autre puisse mettre la main dessus. Combien de fois est-il sur le point de se ruer dehors et de retourner vérifier qu’il est encore là ! Mais toujours la raison reprend le dessus.

Quarante jours à se raisonner, à patienter. Quarante nuits à chercher le sommeil, à fuir les cauchemars, à se réveiller en sueur au milieu de la nuit. Mais le quarante et unième matin fini par arriver et KH revêt à nouveau sa combinaison au bord de la gravière. Il sait au fond de lui-même que ça sera pour la dernière fois. Aujourd’hui par cette matinée grise et humide, il ramènera enfin la moto enfouie depuis des années dans la vase. Aujourd’hui, enfin, elle reverra la lumière du jour et elle sera à lui, pour toujours. Plus de risque désormais qu’un autre ne se l’approprie.

Remplir les différents bidons d’air est un jeu d’enfant. Cette mystérieuse motocyclette s’arrache du fond, sans efforts, en laissant derrière elle un nuage de particules, telle une fusée décollant de Cap Canaveral dans un panache de fumée. Notre plongeur décide de faire tout le chemin vers la berge en restant sous l’eau le plus longtemps possible, histoire d’échapper aux possibles regards des curieux.

Charger la moto dans une remorque bâchée lui demande un peu plus d’efforts, jusqu’à ce qu’il réalise qu’il serait plus facile d’arriver à ses fins en immergeant la remorque le plus loin possible dans l’eau. Finalement, au bout de trois quarts d’heure, le but est atteint. Il fixe la bâche sur la remorque et repart vers la France. Personne au poste frontière pour le contrôler. L’Europe ça a du bon !



Les semaines suivantes se passent en nettoyage, grattage, démontage et remontage. Incroyable, mais la moto que K H a trouvée est exactement la même que celle qu’il possède déjà ! Même modèle, même couleur et complète, y compris le garde-boue arrière ! Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’eau n’a pas corrodé la mécanique, protégée qu’elle était par sa gangue de glaise.

Enfin, le jour arrive où la moto est prête à démarrer. C’est un moment d’émotion intense pour K H et il se remémore tous les obstacles qu’il a du surmonter pour jouir d’un tel instant. Curieusement, le souvenir de son crime s’est estompé dans son esprit. Il a un vague sentiment de malaise quand il repense à ses recherches sous-marines mais il pense que cela est du aux conditions difficiles qu’il a rencontré dans le fond chaque fois qu’il est descendu. Quelques tentatives suffisent pour faire vrombir le moteur. Fier comme un pape, K H fait le tour de son quartier sur son engin pétaradant, puis le tour des amis et le tour du circuit de Prenois lors des Coupes Moto Légende l’année suivante. Mais en rentrant chez lui, son regard se pose sur sa vieille moto abandonnée dans son garage, celle à qui il manque encore toujours le garde-boue arrière…

Un meurtre ne l’a pas emmené beaucoup plus loin.

Et K H cherchera le restant de sa courte vie la pièce manquante avant de succomber dans des circonstances mystérieuses à un accident de plongée. Il préférait plonger seul que mal accompagné !



Cher lecteur, tu te demanderas certainement de quelle marque était cette fameuse moto à l’origine de cette triste histoire ? Il s’agit d’une marque de moto très peu connue : une Lucifer !





FIN



14 Mai 2007



P.S.



J’ai voulu marier dans cette nouvelle ma passion de la moto et de la plongée.

Il m’est arrivé une histoire étrange lors d’une plongée en gravière où le compas de mon binôme à vraiment perdu le nord pendant quelques secondes. A ce jour, je n’ai pas d’explication à ce phénomène.

L’origine de la pièce manquante vient de ce que mon ami, Jérôme Mouchel m’a raconté un jour. Il est presque impossible de trouver une Kawasaki 750H2 avec un garde-boue arrière : tous les propriétaires de cette machine le coupait dès réception de la moto ! Trop moche parait-il !
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Histoire de Novembre: la dernière pièce. Empty Re: Histoire de Novembre: la dernière pièce.

Message par Invité Jeu 3 Nov 2011 - 13:58

cheers je la lis ce soir en rentrant!
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Histoire de Novembre: la dernière pièce. Empty Re: Histoire de Novembre: la dernière pièce.

Message par Invité Mar 8 Nov 2011 - 16:45

D'où le proverbe "bien mal acquis ne profite jamais" Crying or Very sad

Encore une belle histoire, pour connaitre ces deux mondes, des sensations bien connues en lisant la nouvelle.

Ne te décourage pas Froggy, continue de nous faire rêver. Smile
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Histoire de Novembre: la dernière pièce. Empty Re: Histoire de Novembre: la dernière pièce.

Message par froggyfr99 Mar 8 Nov 2011 - 17:38

On verra, on verra.
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